On se propose de déduire des résultats connus sur ℂ[X], en particulier le fait que ℂ est algébriquement clos, la forme des polynômes irréductibles de ℝ[X].

Polynômes conjugués

Soit $P(X)=\sum_{i=0}^{n}a_{i}X^{i}$ un polynôme à coefficients complexes.

Le polynôme 'conjugué' de P (notation P) est par définition le polynôme dont les coefficients sont les complexes conjugués des coefficients de P.

$\overline{P}(X)=\sum_{i=0}^{n}\overline{a_{i}}X^{i}$

Le résultat utile est le suivant :

si x est racine de P alors x est racine de P.

En effet de : $\sum_{i=0}^{n}a_{i}x^{i}=0$, nous déduisons :

$\overline{\sum_{i=0}^{n}a_{i}x^{i}}=\overline{0}=0$

puis :

$\sum_{i=0}^{n}\overline{a_{i}x^{i}}=0$

puis encore :

$\sum_{i=0}^{n}\overline{a_{i}}.\overline{x}^{i}=0$

C'est à dire finalement :

$\overline{P}(\overline{x})=0$

Cas réel

Un polynôme P de ℂ[X] est dit à 'coefficients réels' si tous ses coefficients sont réels, c'est à dire si en fait P∈ℝ[X].
Il est clair que :
Tout polynôme à coefficients réels est égal à son conjugué.
Il en résulte donc que :
Si P est à coefficients réels et si x est une racine complexe de P, alors x est également une racine complexe de P.

Ainsi si P est un polynôme à coefficients réels admettant x=a+bi comme racine complexe non réelle il admet également x=a-bi comme racine. P est donc divisible par (X-x) et (X-x), donc par leur produit :

$\left ( X-x \right )\left ( X-\overline{x} \right )=X^{2}-2aX+(a^{2}+b^{2})$ Mais on remarque que le membre de droite est à coefficients réels, c'est un binôme du second degré dont le discriminant réduit est -b2 donc négatif strictement. Il s'en suit que :
Mis à part les polynômes du premier degré, les seuls polynômes irréductibles de ℝ[X] sont les binômes du second degré à discriminant négatif.

On voit donc que le problème de la décomposition d'un polynôme réel en facteurs irréductibles revient à la recherche de ses racines réelles et complexes.

Remarques sur l'existence de racines réelles.

Un polynôme de degré impair à coefficients réels possède toujours au moins une racine réelle.

Nous pouvons donner de ce résultat une démonstration purement algébrique en remarquant qu'il est impossible que dans la décomposition en facteurs irréductibles d'un tel polynôme ne figure que des facteurs du second degré.

Une autre démonstration, fondée sur l'analyse, consiste à remarquer que pour un tel polynôme :

$\lim_{x\rightarrow -\infty }P(x)=-\infty \text{ et }\lim_{x\rightarrow +\infty }P(x)=+\infty$ Il suffit alors d'invoquer la continuité des fonctions polynômes, et le théorème de la valeur intermédiaire pour remarquer qu'il y a forcément au moins une annulation sur l'intervalle ]-∞,+∞[=ℝ.
Le même genre de considérations 'analytiques' nous permet de localiser certaines racines réelles :
Si P est un polynôme réel, et si I=[a,b] est un intervalle tel que P(a)P(b)<0, alors il existe au moins une racine réelle dans l'intervalle ]a,b[.
La condition P(a)P(b)<0 nous dit en effet que la fonction polynôme p associée à P change de signe entre a et b. c'est donc le théorème de la valeur intermédiaire, liée à la continuité de p qui permet de conclure.
Remarque: Le théorème nous prédit l'existence d'au moins une racine mais il peut y en avoir plusieurs. La localisation d'une racine dans un intervalle, lorsqu'on sait qu'elle existe, se fait par des algorithmes usuels du type :

Voir par exemple, du même auteur, la méthode de dichotomie ainsi que la méthode des parties proportionnelles.

Suites de Sturm

Il peut être utile de savoir concernant un intervalle [a,b] réel, non seulement s'il existe des racines réelles à l'intérieur, nous avons vu que c'est facile, mais combien il y en a !

Un théorème important démontré par Charles Sturm en 1839, nous le dit. Nous allons énoncer sans démonstration ce théorème. La preuve n'est pas complexe mais elle est très longue voici un lien vers cette preuve en langue anglaise.

Il faut avant d'énoncer le résultat quelques préliminaires :

Il faut définir avant tout la 'suite de Sturm' d'un polynôme P.
On commence avec le polynôme lui-même et son polynôme dérivé :

On s'arrête lorsqu'on obtient un polynôme Pn constant, ce qui arrive forcément puisque les degrés des Pi sont strictement décroissants. La suite (P0,P1,...,Pn) est celle qu'on appelle suite de Sturm associée à P.

Maintenant pour chaque x∈ℝ on désigne par S(x) la suite numérique formée des valeurs en x de la suite de Sturm associée à P.

S(x)=(P0(x),P1(x),...,Pn(x))
On désigne maintenant par V(x) le nombre de changements de signes dans la suite S(x).
Nous pouvons maintenant énoncer le théorème de Sturm.
Le nombre des racines réelles du polynôme P dans l'intervalle [a,b] est V(a)-V(b).

Nous donnons maintenant un exemple d'application emprunté à Mr Bernard Ycart .

Soit $ P=X^3 +6X^2 -16$. Sa suite de Sturm est $ S=(X^3 +6X^2 -16,3X^2 +12X,8X+16,12) $

En particulier, $ S(-7)=(-65,63,-40,12)$ et il y a 3 changements de signe dans cette suite, donc $ V(-7)=3$. De même, $ S(2)=(16,36,32,12)$ et cette fois, il n'y a pas de changement de signe, donc $ V(2)=0$. Par conséquent, $ V(-7)-V(2)=3$ donc les 3 racines de $ P$ sont dans l'intervalle $ [-7,2]$