Nous continuons à utiliser les notations de cette page. (O,I,J) est donc toujours un repère du plan euclidien P construit sur les points de base (O,I), un point M de coordonnées x et y sera noté M(x,y).

Voyons déjà un premier résultat préliminaire.
  1. Si D est une droite de P passant par les points distincts A(a1,a2) et B(b1,b2), alors D a une équation de la forme αx+βy+γ=0 où α,β,γ ∈ $\mathbb{Q}$(a1,a2,b1,b2).
  2. Soient A(a1,a2) et B(b1,b2) et C(c1,c2) 3 points de P. Le cercle de centre A et de rayon BC a une équation de la forme x2+y2-2αx-2βy+γ=0 avec α,β,γ ∈ $\mathbb{Q}$(a1,a2,b1,b2, c1,c2).

Pour les notations se reporter à cette page.

  1. L'équation de la droite est : $$\begin{vmatrix} x-a_{1} & b_{1}-a_{1}\\ y-a_{2} & b_{2}-a_{2} \end{vmatrix}=0$$
  2. L'équation du cercle est : $$\left ( x-a_{1} \right )^{2}+\left ( y-a_{2} \right )^{2}=\left ( c_{1}-b_{1} \right )^{2}+\left ( c_{2}-b_{2} \right )^{2}$$
Dans un cas comme dans l'autre il suffit de développer pour obtenir l'expression des coefficients au moyen des quatre opérations +,-, ×, /.

Nous aurons également besoin d'un autre lemmme:

Un nombre réel t est constructible si et seulement si il existe un entier p≥1 et une suite de sous-corps de $\mathbb{R}$ L1, L2, ..., Lp telle que :

  • L1=$\mathbb{Q}$
  • Pour 1≤j≤p Lj⊆Lj+1 et [Lj+1:Lj]=2
  • t ∈Lp

Rappelons pour commencer que [Lj+1:Lj] désigne le degré de Lj+1 sur Lj.

D'après nos définitions t est l'abscisse d'un point constructible M.

M est construit à partir des deux points de base O et I. Soit donc la suite M1=O, M2=I, M3, ..., Mn=M, la suite des points constructibles permettant de construire M à partir des points de base.

Pour tout i 1 ≤i≤n nous désignons par xi et yi les coordonnées de Mi, dans le repère (O,I,J) de sorte que x0=y0=0, x1=1,y1=0, ... , xn=t.

Posons :
  • K1=$\mathbb{Q}$(x1,y1)
  • K2=$\mathbb{Q}$(x1,y1, x2,y2)
  • ...
  • Ki=$\mathbb{Q}$(x1,y1,..., xi,yi)
  • ...
  • Kn=$\mathbb{Q}$(x1,y1,..., xn,yn)

On a donc K1 ⊆ K2 ⊆ ... ⊆ Ki ⊆ Ki+1 ⊆ ... ⊆ Kn. K1=K2=$\mathbb{Q}$ et t∈ Kn.

Nous allons montrer que pour tout i soit Ki+1=Ki soit [Ki+1,Ki]=2.

Le résultat est évident pour i=1, nous pouvons donc supposer que i ≥ 2.

Mi+1 est construit à partir de M1, ...,Mi et d'après le résultat précédent ces droites et ces cercles ont des équations avec des coefficients dans Ki.

Trois cas peuvent alors se produire selon que Mi+1 est l'intersection de deux droites, d'une droite et d'un cercle ou de deux cercles construits à partir de points de {M1,...,Mi}.

  1. Si Mi+1 est intersection de deux droites, les nombres xi+1 et yi+1 sont solutions d'un système linéaire : $$\left\{\begin{matrix} \alpha x+\beta y=-\gamma \\ \alpha' x+\beta' y=-\gamma' \end{matrix}\right.$$

    où tous les coefficients sont dans Ki.

    Les solutions s'expriment en fonction des coefficients par les formules de Kramer, avec des déterminants donc en n'employant que les 4 opérations +,-,× /. Cela signifie donc que xi+1 et yi+1 sont dans Ki d'où Ki+1=Ki(xi+1,yi+1)=Ki.

  2. Si Mi+1 est intersection d'une droite et d'un cercle, les nombres xi+1 et yi+1 sont solutions d'un système :

    $$\left\{\begin{matrix} \alpha x+\beta y +\gamma =0 \\ x^{2}+y^{2}-2\alpha 'x -2\beta 'y +\gamma' =0 \end{matrix}\right.$$

    Si $\beta \neq 0$ on a :

    $$y=\frac{-1}{\beta }\left ( \alpha x+\gamma \right ) $$

    que l'on reporte dans la seconde équation pour former l'équation aux abscisses.

    Cette équation est du second degré à coefficients dans Ki et xi+1 est racine de cette équation.

    On a alors deux possibilités :

    • $x_{i+1}\in K_{i}$ alors $y_{i+1}=\frac{-1}{\beta }\left ( \alpha x_{i+1}+\gamma \right ) \in K_{i}$ et $K_{i+1}=K_{i}$
    • $x_{i+1}\notin K_{i}$ alors $x_{i+1}$ est algébrique de degré 2 sur $K_{i}$ et on a : $$x_{i+1}\notin K_{i}$$ Donc $\left [ K_{i+1}:K_{i} \right ]=2$.

  3. Si β = 0, alors α ≠ 0, on procède de même en formant l’équation aux ordonnées.

  4. Si Mi+1 est l'intersection de deux cercles alors xi+1 et yi+1 sont solutions d'un système : $$\left\{\begin{matrix} x^{2}+y^{2}-2\alpha x -2\beta y +\gamma =0\\ x^{2}+y^{2}-2\alpha 'x -2\beta 'y +\gamma' =0 \end{matrix}\right.$$ avec tous les 6 coefficients dans Ki.

    Ce système est équivalent au système :

    $$\left\{\begin{matrix} x^{2}+y^{2}-2\alpha x -2\beta y +\gamma =0\\ 2\left ( \alpha -\alpha ' \right )x+2\left ( \beta -\beta' \right )y - \left ( \gamma -\gamma ' \right )=0 \end{matrix}\right.$$ et on est ramené au cas précédent

Nous avons donc construit une suite emboîtée de sous-corps de $\mathbb{R}$ telle que K1=$\mathbb{Q}$, t ∈Kn et pour i allant de 1 à n-1 soit Ki+1=Ki soit [Ki+1:Ki]=2.

Il suffit donc maintenant de supprimer les corps superflus pour obtenir une suite strictement croissante.

Nous examinons maintenant la réciproque:

Soit donc L1 ⊆L2⊆ ...⊆Lp une suite de sous-corps emboîtés vérifiant les conditions du théorème.

Nous allons démontrer par récurrence sur j que Lj est constructible.

L1 est constructible car L1=$\mathbb{Q}$. Les sous-corps de $\mathbb{C}$ sont en effet tous de caractéristique 0 donc doivent contenir $\mathbb{Q}$.

Supposons Lj constructible et soit a∈Lj+1. La famille 1, a, a2 est liée sur Lj car [Lj+1:Lj]=2. C'est dire que a est racine d'une équation du second degré :

$$\alpha a^{2}+\beta a+\gamma =0$$

à coefficients dans Lj.

Si α=0 alors a ∈Lj donc a est constructible.

Dans le cas contraire désignons par δ une des deux racines complexes de β2-4αγ.

Alors en vertu de ce résultat δ est constructible.

On sait que a est donné par :

$$a=\frac{-\beta \pm \delta }{2\alpha }$$

a est donc constructible puisque ces nombres forment un sous-corps de $\mathbb{C}$.

Nous pouvons maintenant énoncer le Théorème de Wantzel.

Tout nombre constructible t est algébrique sur $\mathbb{Q}$ et son degré est une puissance de 2.
Si t ∈ R est constructible, d’après le théorème précédent il existe une suite de sous-corps de $\mathbb{R}$, L1 ⊂ L2 ⊂ . . .⊆ Lp telle que L1 =$\mathbb{Q}$, t ∈ Lp et pour 1 ≤ j ≤ p−1 [Lj+1:Lj] = 2.

On a donc par le théorème de multiplication des degrés :

$$\left [ L_{p}:\mathbb{Q}\right ]=\left [ L_{p}:L_{p-1} \right ]\times \left [ L_{p-1}:L_{p-2} \right ]\times....\times\left [ L_{2}:\mathbb{Q} \right ]=2^{p-1}$$

On a aussi $\mathbb{Q}$ ⊂ $\mathbb{Q}$(t) ⊂ Lp , d’où 2p−1 = [Lp:$\mathbb{Q}$] = [Lp:$\mathbb{Q}$(t)] × [$\mathbb{Q}$(t):$\mathbb{Q}$].

[$\mathbb{Q}$(t):$\mathbb{Q}$] est donc un diviseur de 2p-1, c'est donc une puissance de 2 que nous notons 2q. Le théorème résulte donc de ce théorème.