Il n'existe malheureusement pas de solution simple de ce résultat. En outre toutes les démonstrations existantes font appel à des techniques relevant de l'analyse mathématique (dérivation, intégration, etc.). Il n'existe à notre connaissance aucune preuve de type algébrique pure, de la transcendance de π

Prérequis.

Entiers algébriques

Nous aurons besoin de la notion d'entier algébrique.

Un 'entier algébrique' est une racine (complexe) d'un polynôme à coefficients dans $\mathbb{Z}$.

Nous rappelons ci-après quelques propriétés de ces nombres :

Les entiers algébriques forment un anneau : la somme, la différence ou le produit de deux entiers algébriques est encore un entier algébrique.
L'intersection de cet anneau (commutatif, unifère) intègre avec un sous-corps K de ℂ s'appelle l'anneau des entiers de K.
Un entier algébrique est en particulier un nombre algébrique. À ce titre, il engendre un corps de nombres, c'est-à-dire une extension finie du corps ℚ des rationnels. Mais tous les nombres algébriques ne sont pas des entiers algébriques.

Pour tout nombre algébrique α, de polynôme minimal P :

  • α est un entier algébrique si et seulement si P est à coefficients dans ℤ .
  • il existe un entier n > 0 tel que nα soit un entier algébrique (il suffit de prendre pour n le produit des dénominateurs des coefficients de P).
Le premier point découle en particulier de ce résultat.

Intégrales curvilignes

Nous aurons besoin de quelques notions et résultats élémentaires d'analyse complexe.

Un 'chemin' est une application continue $\gamma : [a\;b] \rightarrow \mathbb{C}$ où [a,b] est un intervalle compact de $\mathbb{R}$.

On appelle $\gamma(a)$ l'origine du chemin et $\gamma(b)$ la fin du chemin. Si $\gamma$ est $C^1([a,b])$ alors le chemin est dit continûment dérivable.

$\Omega$ désigne ici un ouvert du plan complexe.

Soit $f:\Omega \subset \mathbb{C} \rightarrow \mathbb{C}$ et un chemin continûment dérivable sur $[a,b] \subset \mathbb{R}$ tel que $\gamma : [a,b] \rightarrow \Omega \subset \mathbb{C}$.

On définit l'intégrale curviligne de ƒ le long de $\gamma$ par : $$\int_{\gamma} f(z)\, \mathrm dz =\int_{a}^{b}f(\gamma(t)) \mathrm \gamma\,'\left(t\right) \, \mathrm dt$$.
On a alors le résultat suivant concernant l'évaluation des intégrales curvilignes :

Sous certaines conditions sur l'ouvert Ω précisées ci-après, et si f possède une primitive F (complexe) sur Ω alors l'intégrale curviligne peut être calculée par la formule :

$$\int_{\gamma} f(z)\, \mathrm dz = F(b)-F(a)$$.

La condition sur Ω est qu'il doit être 'simplement connexe' (sans trous). La définition rigoureuse se trouve un peu partout. Pour ce qui nous concerne il suffit de savoir que le plan complexe tout entier est simplement connexe, car nous ne considérons que des fonctions polynomiales définies partout sur $\mathbb{C}$ ou bien les produits de ces fonctions par des exponentielles définies également partout. Le théorème n'est alors qu'une application de la dérivation des fonctions composées.

Démonstration de la transcendance de π

Nous aurons besoin de deux résultats préliminaires ;

Lemme 1

Soient c(1), ..., c(r) des entiers et, pour tout $k$ entre 1 et $r$, soit γ(k)1, ..., γ(k)m(k) les racines d'un polynôme non-nul à coefficients entiers $T_k(x)$.

If γ(k)i ≠ γ(u)v chaque fois que (k, i) ≠ (u, v), alors

:$$c(1)\left (e^{\gamma(1)_1}+\cdots+ e^{\gamma(1)_{m(1)}} \right ) + \cdots + c(r) \left (e^{\gamma(r)_1}+\cdots+ e^{\gamma(r)_{m(r)}} \right) = 0$$

Possède seulement la solution triviale $c(i)=0$ pour tout $i = 1, \dots, r$ .

Pour simplifier les notations, posons :

:$$ \begin{align} & n_0 =0, & & \\ & n_i =\sum\nolimits_{k=1}^i m(k), & & i=1,\ldots,r \\ & n=n_r, & & \\ & \alpha_{n_{i-1}+j} =\gamma(i)_j, & & 1\leq i\leq r,\ 1\leq j\leq m(i) \\ & \beta_{n_{i-1}+j} =c(i) \end{align} $$

Alors, notre proposition devient :

$$\sum_{k=1}^n \beta_k e^{\alpha_k}\neq 0$$

Soit $p$ un nombre premier et définissons les polynômes suivants:

$$f_i(x) = \frac {\ell^{np} (x-\alpha_1)^p \cdots (x-\alpha_n)^p}{(x-\alpha_i)}$$

où $ℓ$ est un entier non nul tel que $$\ell\alpha_1,\ldots,\ell\alpha_n$$ Soient tous des entiers algébriques, et soit :

$$I_i(s) = \int^s_0 e^{s-x} f_i(x) \, dx$$

En utilisant une intégration par parties, il vient :

$$I_i(s) = e^s \sum_{j=0}^{np-1} f_i^{(j)}(0) - \sum_{j=0}^{np-1} f_i^{(j)}(s)$$

où $np-1$ est le degré du polynôme $f_i$, et $f_i^{(j)}$ est la dérivée d'ordre j de $f_i$. Cette relation vaut également pour s complexe (Dans ce cas l'intégrale doit être comprise comme une intégrale curviligne, par exemple le long du segment de 0 à s) parce que :

$$-e^{s-x} \sum_{j=0}^{np-1} f_i^{(j)}(x)$$

est une primitive de $e^{s-x} f_i(x)$.

Considérons maintenant la somme suivante :

$$\begin{align} J_i &=\sum_{k=1}^n\beta_k I_i(\alpha_k)\\[5pt] &= \sum_{k=1}^n\beta_k \left ( e^{\alpha_k} \sum_{j=0}^{np-1} f_i^{(j)}(0) - \sum_{j=0}^{np-1} f_i^{(j)}(\alpha_k)\right ) \\[5pt] &=\left(\sum_{j=0}^{np-1}f_i^{(j)}(0)\right)\left(\sum_{k=1}^n \beta_k e^{\alpha_k}\right)-\sum_{k=1}^n\sum_{j=0}^{np-1} \beta_kf_i^{(j)}(\alpha_k)\\[5pt] &= -\sum_{k=1}^n \sum_{j=0}^{np-1} \beta_kf_i^{(j)}(\alpha_k) \end{align}$$

Dans la dernière ligne nous avons supposé que la conclusion du lemme est fausse. Afin d'achever la démonstration nous devons parvenir à une contradiction. Nous y parviendrons en estimant $|J_1\cdots J_n|$ de deux façons différentes.

Premièrement $f_i^{(j)}(\alpha_k)$ est un entier algébrique qui est divisible par p! pour $j\geq p$ et s'annule pour $j< p$ à moins que $j=p-1$ et $k=i$, auquel cas il est égal à :

$$\ell^{np}(p-1)!\prod_{k\neq i}(\alpha_i-\alpha_k)^p$$

Ceci n'est pas divisible par p quand p est suffisamment grand parce qu'autrement, posant

$$\delta_i=\prod_{k\neq i}(\ell\alpha_i-\ell\alpha_k)$$

(qui est un entier algébrique non nul) et nommant $d_i\in\mathbb Z$ le produit de ses conjugués (qui est encore non nul), nous obtiendrions que p divise $\ell^p(p-1)!d_i^p$, ce qui est faux.

Ainsi $J_i$ est un entier algébrique non nul divisible par (p − 1)!.

Maintenant :

$$J_i=-\sum_{j=0}^{np-1}\sum_{t=1}^r c(t)\left(f_i^{(j)}(\alpha_{n_{t-1}+1}) + \cdots + f_i^{(j)}(\alpha_{n_t})\right)$$

puisque chaque $f_i(x)$ est obtenu en divisant un polynôme fixe à coefficients entiers par $(x-\alpha_i)$, il est de la forme :

$$f_i(x)=\sum_{m=0}^{np-1}g_m(\alpha_i)x^m $$

où $g_m$ est un polynôme (à coefficients entiers) indépendant de i.

Il en est de même pour les dérivées $f_i^{(j)}(x)$.

Alors par le théorème fondamental des polynômes symétriques,

$$f_i^{(j)}(\alpha_{n_{t-1}+1})+\cdots+f_i^{(j)}(\alpha_{n_t})$$

est un polynôme fixe à coefficients rationnels évalués en $\alpha_i$ (On voit cela en groupant les mêmes puissances de $\alpha_{n_{t-1}+1},\dots,\alpha_{n_t}$ apparaissant dans le développement et en utilisant le fait que ces nombres algébriques sont un ensemble complet de conjugués). Ainsi il en est de même de $J_i$, c'est à dire qu'il est égal à $G(\alpha_i)$, où G est un polynôme à coefficients rationnels indépendant de i.

Finalement $J_1\cdots J_n=G(\alpha_1)\cdots G(\alpha_n)$ est rationnel (à nouveau par le théorème fondamental des polynômes symétriques) et est un entier algébrique non nul divisible par $(p-1)!^n$ (étant donné que les $J_i$ sont des entiers algébriques divisibles par $(p-1)!$).

Pour cette raison :

$$|J_1\cdots J_n|\geq (p-1)!^n$$

Toutefois il est clair qu'on a :

$$|I_i(\alpha_k)| \leq |\alpha_k|e^{|\alpha_k|}F_i(|\alpha_k|)$$

où $F_i$ est le polynôme dont les coefficients sont les valeurs absolues de celles de fi (cela résulte immédiatement de la définition de $I_i(s)$).

Ainsi :

$$|J_i|\leq \sum_{k=1}^n \left |\beta_k\alpha_k \right |e^{|\alpha_k|}F_i \left ( \left |\alpha_k \right| \right )$$

et ainsi par la construction des $f_i$ nous avons $|J_1\cdots J_n|\le C^p$ pour un nombre suffisamment grand $C$ indépendant de p, ce qui contredit la précédente inégalité.

Lemme 2

Si $b(1), ..., b(n)$ sont des entiers et $γ(1), ..., γ(n)$,sont des nombres algébriques distincts, alors :

$$b(1)e^{\gamma(1)}+\cdots+ b(n)e^{\gamma(n)} = 0$$

A seulement la solution triviale $b(i)=0$ pour tout $i = 1, \dots, n$

Supposant :

$$b(1)e^{\gamma(1)}+\cdots+ b(n)e^{\gamma(n)}= 0$$

nous allons en déduire une contradiction.

Choisissons un polynôme à coefficients entiers qui s'annule sur tous les $\gamma(k)$ et soient $\gamma(1),\ldots,\gamma(n),\gamma(n+1),\ldots,\gamma(N)$ toutes ses racines distinctes. Soit $b(n+1)$ = ... =$b(N)$= 0.

Le polynôme :

$$P(x_1,\dots,x_N)=\prod_{\sigma\in S_N}(b(1) x_{\sigma(1)}+\cdots+b(N) x_{\sigma(N)})$$

s'annule sur $(e^{\gamma(1)},\dots,e^{\gamma(N)})$ par hypothèse. Étant donné que le produit est symétrique, pour tout $\tau\in S_N$ les monômes $x_{\tau(1)}^{h_1}\cdots x_{\tau(N)}^{h_N}$ et $x_1^{h_1}\cdots x_N^{h_N}$ ont le même coefficient dans le développement de P.

Ainsi, en développant $P(e^{\gamma(1)},\dots,e^{\gamma(N)})$ et en groupant les termes de même exposant, nous voyons que les exposants $$h_1\gamma(1)+\dots+h_N\gamma(N)$$ forment un ensemble complet de conjugués et, si deux termes ont des exposants conjugués, ils sont multipliés par le même coefficient.

Nous sommes ainsi dans la situation du lemme 1. Pour parvenir à une contradiction, il suffit de voir qu'au moins un des coefficients est non nul. Cela se voit en munissant $\mathbb{C}$ de l'ordre lexicographique et en choisissant pour chaque facteur dans le produit le terme à coefficients non nul qui a l'exposant maximum selon cet ordre. Le produit de ces termes a un coefficient non nul dans le développement et ne peut être simplifié par aucun autre terme.

Le théorème d'Hermite Lindemann

Le nombre π est transcendant.
Il suffit d'appliquer le lemme 2. Si π était algébrique on ne pourrait pas avoir la relation 1e0 + 1e = 0.