A désigne, comme toujours dans ce chapitre, un anneau commutatif unitaire.

Commençons par un théorème d'isomorphisme, tout à fait analogue à celui des espaces vectoriels et qui dit, en gros, que les seuls modules libres sont les sommes directes d'exemplaires (de copies) de A considéré comme module sur lui-même.

Si M est un A-module libre de base $\mathfrak{B}$=(ai)i∈I alors M est isomorphe à A(I).
Soit l'application : $$\begin{matrix} \Psi :A^{(I)}\rightarrow M \\ \left ( \lambda _{i} \right )_{i\in I}\rightarrow \sum_{i\in I}\lambda _{i}a_{i} \end{matrix}$$ elle est surjective puisque $\mathfrak{B}$ et génératrice et injective puisque $\mathfrak{B}$ est libre.

Le théorème précédent s'applique aux modules libres de type fini.

Si on prend une base finie $\mathfrak{B}$=(a1,...,an) de M on a un isomorphisme de M sur An. On peut alors se poser la question suivante : "Existe-t-il pour les modules libres de type fini une théorie analogue à celle de la dimension pour les espaces vectoriels ?". La réponse est positive et est apportée par ce théorème :

Soit M un module libre de type fini alors toutes les bases de M sont finies et ont le même cardinal.

Soit $\mathfrak{B}$ une base de M. En vertu de ce théorème on peut extraire de $\mathfrak{B}$ une partie génératrice et finie $\mathfrak{B'}$. Puisque $\mathfrak{B'}$ est une sous-famille d'une famille libre c'est une famille libre et donc une base. En clair de $\mathfrak{B}$ nous pouvons extraire une base finie $\mathfrak{B'}$. Mais alors si $\mathfrak{B}$ n'était pas égale à $\mathfrak{B'}$ les éléments de $\mathfrak{B}$ qui ne sont pas dans $\mathfrak{B'}$ seraient combinaisons linéaires des éléments de $\mathfrak{B'}$ et $\mathfrak{B}$ ne serait pas libre. Il en résulte donc que toutes les bases de M sont finies.

Supposons que M possède deux bases respectivement à m et n éléments. Alors M est isomorphe en tant que A-module à Am et également à An.

Donc dans ce cas Am et An seraient isomorphes comme A-modules par un morphisme Φ

Φ est bien sûr déterminé de façon unique par l’image de la base canonique (ej) de An dans la base canonique (fi) de Am.

Il peut donc s'exprimer par une matrice de taille m×n à coefficients dans A. Soit Ω=(aij) cette matrice.

Soit maintenant I un idéal maximal de A. un tel idéal existe de par le Théorème de Krull.

Alors A/I est un corps que l'on note K.

La matrice Ω=(aij) définit un morphisme Φ de K-espaces vectoriels entre Kn et Km relativement aux bases canoniques de Kn et Km.

Nous montrons que Φ est surjectif.

Soit Y un vecteur colonne de Kn. Il se relève (pas nécessairement de façon unique) en un vecteur colonne Y de An.

Comme Φ est surjectif il existe un vecteur colonne X de An tel que Y=ΩX.

Ceci donne par passage au quotient Y=ΩX, d'où la surjectivité annoncée.

Il existe donc un morphisme surjectif d'espaces vectoriels de Kn vers Km, ce qui implique m≤n.

Mais Φ étant un isomorphismes les données sont symétriques en m et n et pour les mêmes raisons n≤n. En définitive m=n, CQFD.

Si M est un A-module libre de type fini, le cardinal commun de toutes les bases de M s'appelle le 'rang' de M.

Cette notion de rang généralise donc la notion de dimension des espaces vectoriels.

Il résulte de ce qui précède que :
Si M est un A-module libre admettant une base infinie, alors toutes les bases de M sont infinies.

Nous avons, comme dans le cas des espaces vectoriels une règle d'addition des rangs :

Soient M un A-module libre de rang m et N un A-module libre de rang n, alors la somme directe $M\bigoplus N$ est de rang m+n.

Soit (e1,...,em) une base de M et (f1,...,fn) une base de N.

Posons e'i=(ei,0)∈$M\bigoplus N$ 1≤i≤m et f'j=(0,fj)∈$M\bigoplus N$ 1≤j≤n.

Alors posant ah=e'h pour 1≤h≤m et ah=f'h-m pour m+1≤h≤m+n, (a1,a2,...,am,am+1,...,am+n) est clairement une base de $M\bigoplus N$.

Le théorème vaut évidemment pour une somme directe interne.