Si K désigne un corps commutatif, nous noterons K 'la' clôture algébrique de K.

Si L/K est une extension et si a est un élément de L algébrique sur K, nous noterons MinK(a) le polynôme minimal de a sur K.

Polynômes séparables

Soit P un polynôme irréductible de K[X]. On dit que P est 'séparable' s'il ne contient que des racines simples dans K.

Cela revient à dire que dans tout corps de décomposition de P, P peut s'écrire $ P=k\prod_{i=1}^{n}\left ( X-a_i \right ) $ où les ai sont tous distincts.

Dans le cas contraire on dit que P est 'inséparable'.

Exemple de polynôme séparable

Le polynôme P=1+X+X2+X3+X4, considéré comme polynôme de ℚ[X], est séparable. En effet si ε est le nombre complexe e2πi/5, les racines de P dans ℂ sont ε, ε2, ε3, ε4, toutes distinctes. Le lecteur vérifiera à titre d'exercice que ce polynôme est effectivement irréductible sur ℚ.

Exemple de polynôme inséparable

Soit K0 le corps premier Fp=ℤ/pℤ où p est un nombre premier quelconque. Soit u un élément transcendant sur K0, et posons K=K0(u), de sorte que K est isomorphe au corps des fractions rationnelles sur K0.

Soit P le polynôme Xp-u. Et soit a une racine de P dans K, de sorte que ap=u.

Maintenant $\left ( X-a \right )^{p}=\sum_{k=0}^{p}\binom{p}{k}X^{p-k}(-a)^{k}$ .

Mais tous les coefficients $\binom{p}{k}=\frac{p!}{k!(p-k)!}$ pour 0<k<p sont divisibles par p, puisque le facteur p apparaît au numérateur et non au dénominateur, et que dans K, comme dans K0, tout multiple de p est nul.

En définitive $P=\left ( X-a \right )^{p}=X^{p}-u$.

Ainsi, si σp-u=0 alors (σ-a)p=0, de sorte que σ=a, toutes les racines de P dans K sont égales.

Nous montrons maintenant que P est un polynôme irréductible.

Supposons le contraire. Alors P=QR dans K[X] avec d°(Q)<d°(P) et d°(R)<d°(P).

Compte tenu de l'identité ci-dessus on doit avoir Q(X)=(X-a)s où 0<s<p. Le coefficient constant as de Q est donc dans K.

Ceci implique que a lui-même est élément de K, car d'après le théorème de Bézout il existe des entiers m et n tels que ms+np=1, et a=amsanp=(as)m(ap)n.

On doit donc avoir $a=\frac{v(u)}{w(u)}$.

De là nous tirons $\left ( v(u) \right )^{ p}-u\left ( w(u) \right )^{ p}=0 $ . Ce qui est impossible car le coefficient dominant du membre de gauche ne peut être nul.
Plus généralement on dit qu'un polynôme de K[X] (non supposé irréductible) est 'séparable' sur K si tous ses facteurs irréductibles sont séparables sur K au sens précédent.

Éléments séparables

Un élément a d'une extension L de K, algébrique sur K, est dit 'séparable' si MinK(a) est séparable au sens précédent.

Extensions séparables

Une extension L/K est dite 'séparable' si elle est algébrique et si tout élément a de L est séparable au sens précédent.

Caractérisation de la séparabilité

Un polynôme P est séparable si et seulement si P et P' sont premiers entre eux.
En effet le PGCD de P et P' est le même dans K[X] ou dans L[X] pour toute extension L/K (utiliser l'algorithme d'Euclide). Dire que P et P' sont premiers entre eux revient à dire par le théorème de Bézout qu'on a une égalité 1=PQ+RP'. Mais dire que a est racine multiple de P revient à dire que a est racine de P' par ce résultat.
Si K est de caractéristique 0 alors tout polynôme irréductible à coefficients dans K est séparable sur K. Si K est de caractéristique p>0, alorps un polynôme irréductible P sur K est inséparable si et seulement si $P(X)=\sum_{i=0}^{r}k_i(X^{p})^{i} $ .

Compte tenu de ce qui précède un polynôme P irréductible sur K est inséparable si et seulement si P et DP ont un facteur commun de degré ≥1. Comme P est supposé irréductible et que le degré de DP est strictement inférieur à celui de P, on doit avoir nécessairement DP=0.

Mais alors si $P(X)=\sum_{i=0}^{n}a_iX^{i} $ on doit avoir iai=0 pour tout i 0≤i≤n. En caractéristique 0 cela implique que ai=0 pour tout i. En caractéristique p>0 cela signifie que ai=0 si p ne divise pas i.

Hérédité

Soit M/K une extension algébrique séparable et M/L/K une extension intermédiaire. Alors M/L et L/K sont séparables.

Il est clair que L/K est séparable.

Soit a∈M et soit mK et mL ses polynômes minimaux sur K et L respectivement.

Alors mL divise mK dans L[X]. Mais a est séparable sur K de sorte que, par définition, mK est séparable sur K, donc mL est séparable sur L. Donc M/L est séparable.

Cas des extensions finies

Supposons que L/K est une extension finie séparable de degré n. Alors il y a précisément n K-monomorphismes distincts dans une clôture normale N, et par conséquence dans toute extension normale M de K contenant L.

Nous raisonnons par récurrence sur le degré [L:K].

Si [L:K]=1, cela signifie que L=K et le résultat est clair.

Supposons maintenant que [L:K]=k>1.

Soit α ∈ L-K de polynôme minimal m sur K. Alors d°(m)=[K(α): K]=r > 1.

Maintenant m est un polynôme séparable irréductible possédant un zéro dans l'extension normale N, de sorte que m se décompose dans N en facteurs du premier degré et ses zéros sont dans N disons α1, α2, ... αr, et ces zéros sont distincts.

Posons s=[L:K(α)]=k/r ,par hypothèse de récurrence il y a exactement s K(α) monomorphismes ρ12,...,ρs : L → N.

Mais par ce résultat il y a r K-automorphismes distincts τ1,...,τr : de N tels que τi(α)=αi.

Les applications φijiρj, fournissent alors k K-monomorphismes distincts L → N.

Reste à montrer qu'il n'en existe pas d'autres.

Soit τ : L → N un K-monomorphisme. Alors τ(α) est un zéro de m dans N, de sorte que c'est un des αi.

L'application φ=τi-1τ est un K(α) monomorphisme de L → N, donc à nouveau par hypothèse de récurrence φ est l'un des ρj. Il s'en suit que τ=φij, ce qui achève la démonstration.